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lundi 12 février 2018

Kapò (1961)

Sujet initialement écrit le 07/02/2012


J'ai vu Kapò, le fameux film de Gillo Pontecorvo tourné en 1959 qui a tant permis à l'élite intellectuelle agglutinée autour du septième art de se branler depuis 50 ans et plus si affinités.

Une des premières fictions sur la déportation, ça raconte l'histoire d'une jeune juive dans un camp pendant la guerre, qui après avoir réussi à cacher son identité, devient kapo et accessoirement une pourriture prêt à trahir la veuve et l'orphelin.


Ce que j'en ai retenu, c'est que c'est quand même extrêmement désappointant de voir que les producteurs aient imposé une romance qui entache toute la deuxième moitié du film, malgré les protestations du réalisateur (bien compréhensibles au vu de son passé), et qui entache en définitive le film entier, qui pourtant partait très bien : une reconstitution minutieuse, le revirement de cette héroïne en anti-héroïne qui a pour ma part rendu le film subitement bien plus intéressant que l'énième reconstitution à laquelle je m'attendais (ne connaissant pas le synopsis auparavant)...
Mais à peine a-t-elle le temps d'endosser son nouveau rôle de traîtresse au nom de sa propre survie que le playboy russe débarque, et on ne peut que regretter le fait que l'on ne saura jamais comment le réalisateur avait initialement prévu d'exploiter cette cruelle intrigue. Cependant, la nouvelle tournure romantique imposée n'empêche pas de continuer sur un film toutefois pertinent et poignant (la rédemption toussa), bien que probablement 114 fois moins intéressant que ce qu'on aurait pu voir avec le scénario original (enfin, en supposant).



Si vous ne savez pas de quoi s'agit le scandale mentionné plus haut, il s'agit en fait d'un foin et d'un lynchage médiatique, qui durent encore, sur ce film par les Cahiers du cinéma à cause d'une scène où il y a, ô malheur, un pauvre travelling de 2 secondes et demie sur la mort d'une déportée, alors que pour les grandes têtes pensantes si chères à notre grand ami Dieudonné (ironie), il s'agit là d'un ignoble blasphème car la représentation de la Shoah doit se faire dans le purisme et l'absence de style le plus absolus, afin de montrer son indicibilitude dans sa plus grande crudité (ça donne faim), débat qui a fut-un-temps déchaîné les passions, même si aujourd'hui il est très probable que les deux et demi lecteurs qui auront lu mon présent message en comptant les 5 prochaines années s'en tartinent royalement l'oignon jusqu'au pancréas.


Mais, mais, mais... qu'est-ce à dire ?
Cette fiction est, comme déjà expliqué, une des premières sur la déportation. Y avait-il déjà ces fameuses règles divines et immuables au moment de sa réalisation ? Et si je viens de naître et que je me mets à étudier passionnément et de fond en comble l'Histoire de la déportation, et qu'extrêmement émouvu je me décide de faire un film pour montrer tous ces indicibles trucs, sans être au courant que le moindre effet du domaine de la cinématographie est absolument proscrit pour décrire certaines tragédies, suis-je, comme Pontecorvo en a été accusé par les cahiers du cinéma, immoral et de la pire "abjection", aliénant le traitement de ce thème grave en "pornographie" ? Bin merde.
Bizarrement, je crois pas que Pontecorvo, ancien résistant, ait eu envie d'en faire de la pornographie. Le foin qu'ont fait Rivette et ses compères, par contre, ça s'en rapproche drôlement. Sauf que là on exhibe non pas ses talents stylistiques en technique de cinéma mais plutôt ceux pour étaler son énorme sagesse quand à la manière de traiter le sujet.
Ce qu'il y a, c'est qu'ils doivent considérer le travelling en s'imaginant le caméra-man en train de s'approcher précipitamment pour zoomer, avec un arrière-goût de sensationnalisme. Mais c'est là une erreur grossière (clb).

Et ensuite, bien que battre du poing sur les i de la table contre la branlette intellectuelle ne me servira pas à grand chose à part pour me retrouver tout sali de leur douteuses secrétions, cela voudrait-il dire que l'on doit s'abstenir de tout style cinématographique lors de ce genre de fiction, pas de lumière, pas de changement de plan, pas de musique, pas de générique, pas de...? Faut arrêter les conneries. (et puis il y avait déjà de la musique dans Nuit & brouilard, est-ce qu'un thème de style classique au piano est supérieur à un travelling ? Qui est donc apte à en juger ? Dieu va-t-il me répondre comme à Jeanne d'Arc ? Oh mah lord, je n'en puis plus d'attendre)


D'autant plus que le fameux plan se déroule quand une détenue se suicide, pas quand elle est malmenée par ses oppresseurs.. Qui dit que le réalisateur n'a pas volontairement opposé la contestation, volonté de liberté (suicide) à coups de stylisation avancée et de travellings à la Matrix, aux plans crus et stoïques des séquences d'oppression directe des victimes ?
Oui d'accord ça parait un peu capillotracté, mais sûrement moins que les propos de ces ahuris qui, à ma plus grande stupéfaction, persistent encore aujourd'hui dans leur croisade illuminée à la moindre mention de ce film qui aimerait sûrement qu'on le lâche un peu, surtout que finalement il a extrêmement bien fait son boulot de mémoire toussa (c'est le tout premier film que mes parents ont vu sur les camps d'après eux, depuis ils sont plutôt très bien instruits sur le sujet et ils se sont pas fait attendre lors de ma tendre enfance pour me tartiner avec 😸) et que l'on ferait mieux de s'attarder sur les défauts que j'ai cités en premier.

Parce que ça, la récupération par les producteurs et aliénation de ce type de film dans l'unique raison de faire péter l'audimat, ça les gène pas les jacques rillette & cie ?... au lieu de s'en prendre à Pontecorvo et de le traîner dans la boue jusqu'à son lit de mort ? Si encore ça avait juste été une passade où ce film avait à l'époque servi de support pour un débat sur la manière de montrer la violence (cf. Godard) ou la Shoah au cinéma, passe encore, mais qu'ils persévèrent encore aujourd'hui à gerber sur le crémier alors qu'avec un peu de recul et de bon sens... bref.
Bon, il faut aussi dire que certains d'entre eux (Daney) ne se sont pas cachés pour impliquer le gauchisme latent de Pontecorvo dans leur excrécration suprême de ce film, alors qu'on ne se demande plus où se situe la pornographie dans ce grand cirque. Voilà voilà. Vous pouvez retourner lire Naruto.

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